Claudine ageron Marque

Abstract

La complexité et la variété des coliques du nouveau-né nécessite une observation et une anamnèse rigoureuse  afin d’établir un diagnostic différentiel d’exclusion.
Bien que physiologique dans la majorité des cas, elle peut être aggravée par une mauvaise conduite de l’allaitement maternel ou artificiel, une inquiétude parentale, des contraintes tissulaires sur le trajet du X, des perturbations de la qualité du mécanisme respiratoire primaire ou l’immaturité du système nerveux central.
L’approche ostéopathique permet dans un grand nombre de cas une bonne amélioration et une disparition plus rapide des symptômes bien invalidants pour les nouveaux-nés.

« La première leçon de l’ostéopathe a pour sujet l’anatomie, la dernière aussi, et toutes les autres leçons aussi » (*1)

Introduction

Les coliques du nouveau-né et du nourrisson sont complexes, variées et nombreuses. Leurs étiologies allant de la simple sensibilité alimentaire, à l’immaturité du système nerveux et intestinal. Leurs apparitions, leurs fréquences, leurs rythmicités, les signes associés permettent l’orientation de l’étiologie (*2).
Leurs aspects apparemment banals ne doivent en aucun cas nous empêcher d’établir un diagnostic différentiel d’exclusion avec d’autres pathologies plus graves.

Particularités anatomiques et physiologiques

Elles apparaissent entre la 2 e et 4 e semaine, l'alimentation est déjà bien établie. Le bébé tète au moins 6 fois par jour, pour une ration de 80g à 100g.

Les fonctions de l’intestin du nouveau-né et nourrisson (alimentation liquide) sont différentes de celles de l’adulte. Le contenu du colon est stérile à la naissance. La flore intestinale se met en place grâce à la colonisation des germes dans le passage de la filière pelvienne et  de l’environnement du bébé.

Le système enzymatique mûrit en fonction de l'alimentation du nouveau-né et du nourrisson;  lait maternel, lait artificiel, diversification alimentaire. C’est essentiellement la lactase qui prédomine pendant toute la lactation (*3).

Le système immunitaire est lui aussi très immature ; bien que le tissu lymphoïde intestinal produise des cellules immuno-compétentes avant la naissance, les premières IgA apparaissent dans les premiers jours (*3).

Le transit du nouveau-né et du nourrisson bénéficie d'un péristaltisme plus rapide que l'adulte avec une absorption digestive moindre (immaturité enzymatique) et une assimilation et une résorption colique plus faible.

Concernant la commande neurologique, de nombreuses études (*4, 5, 6, 7) démontrent l'impact du stress maternel ante- et post-natal sur la biologie du fœtus et du nouveau-né.  Ces altérations neurobiologiques (à court et/ ou long terme) se transmettent par les voies sanguines, par le liquide amniotique, par le lait maternel et se communique par le comportement maternel.

Les catécholamines sont dans un premier temps secrétées par les surrénales chez le fœtus et le nouveau-né. Vers  3 mois de vie, la taille des médullo-surrénales diminue. Les catécholamines seront secrétées à partir des terminaisons nerveuses sympathiques des organes cibles du système nerveux autonome (6, 8, 9).

Tant que cette mise en place n’est pas terminée, le fœtus du troisième trimestre de gestation, le nouveau-né et le nourrisson (3 à 6  mois) sont dans une situation d’immaturité et de précarité de la balance orthosympathique-parasympathique (homéostasie) de régulation des grandes fonctions vitales, sans qu’il soit clairement établi s’il s’agit d’un retard de maturation sympathique ou d’un d’hyper-fonctionnement parasympathique, ou encore d’une conséquence de l’influence  d’un taux de cortisol maternel élevé entrainant des modifications des récepteurs chez l'enfant à naitre.

Conduite de l’examen

Interrogatoire

Nous interrogerons les parents pour connaitre l'apparition des symptômes :

  • Comment sont les pleurs ?
  • De type spasmodique, continu ?
  • Juste après la tétée ou très éloignés?
  • Existe-t-il des gaz, des pleurs, de la toux, des régurgitations associées, une constipation, une diarrhée, de la température, des éruptions ?
  • Existe-t-il des facteurs exacerbant ou de soulagement ?

L’examen clinique

Examen de l’abdomen, palpation des différents organes, recherche d’un météorisme (percussion d’un tympanisme ou d’une matité),  l'abdomen de l'enfant est-il souple ? Dur ? Résistant ? Existe t'il une modification de la respiration, le teint de la face ?

Diagnostics d’exclusion

Invagination, occlusion,  étranglement d’hernie, sténose incomplète, volvulus intermittent, pathologie sur bride ou sur brèche mésentérique, Infections microbiennes. (*2, 3)

Les étiologies fonctionnelles

Si l’apparition des symptômes de la colique est presque immédiate à la naissance, il faut penser que l’origine des perceptions nociceptives peut provenir d’autres sources.

La plupart du temps les coliques sont passagères et correspondent à la mise en place de la maturité intestinale, elles démarrent dans les 15 jours après la naissance, le bébé se tortille quelques heures après la tété, ces coliques disparaissent spontanément entre un et deux mois.

Il existe cependant des conduites alimentaires qui aggravent l'intensité et la durée des coliques. L’allaitement maternel à la demande, mal conduit,  peut être une source de surcharge alimentaire. Devant les pleurs de l'enfant, la mère désemparée laisse moins de 1h30 entre deux tétées, laissant ainsi peu de temps de repos pour l'intestin. Il en résulte une fermentation et des coliques. Pour l'alimentation artificielle, les parents augmentent la ration pour «  caler » le bébé, conséquence une surcharge alimentaire.

Certaines mères ont une éjection de lait trop forte, le bébé a du mal à déglutir une si grande quantité et avale de l'air. Des astuces de vider le sein peut permettre d'éviter cette difficulté.

Stress anté- et post-natal : comme nous l'avons vu précédemment, il existe une véritable interaction entre le stress maternel, par la voie biologique et le comportement maternel et familial. Dans ces cas-là, le rôle du corps médical, des associations pour l'allaitement, peut donner des conseils judicieux pour une mise en place de l'alimentation et particulièrement de l'allaitement maternel, et ainsi rassurer la mère et la famille. (*3, 5, 10, 11)

Intolérances ou allergies alimentaires (aux protéines de lait de vache le plus souvent, ou autres) qui s'inscrivent souvent dans un contexte d'hérédité familiale.


Les étiologies ostéopathiques

Les coliques sont accompagnées de douleurs avec des troubles fonctionnels d’irritabilité intestinale; gaz, modification du péristaltisme passant de constipation avec des selles dures à des selles fréquentes et liquides. (*2)

Les causes les plus fréquemment décrites sont les contraintes sur le trajet du Xème nerf crânien, les perturbations de la qualité du mécanisme respiratoire primaire et l’immaturité du système nerveux central.

Le X sur tout son trajet (*8, 9,12, 13)

Les dysfonctions de la base, (comme une compression de la SSB, d’un strain latéral ou d’un strain vertical), des compressions au niveau des fontanelles astériques et de toutes les régions pétro- et occipito-mastoïdiennes, les lésions intra osseuses occipitales, temporales affectant le TDP. Vient ensuite la loge antérieure du cou, très souvent malmenée par des circulaires serrées, d'écharpes pendant la grossesse et de tensions au niveau du médiastin induites par des techniques d'accouchement utilisées même dans des accouchements eutociques comme la "restitution du menton" pour favoriser le dégagement des épaules. Cette technique tracte la tête du bébé dans l'axe ombilico coccygien pour favoriser l'engagement des épaules au niveau du détroit supérieur, l'accoucheur amène le menton du fœtus en rotation sous la symphyse, il en résulte une tension importante au niveau de la ceinture scapulaire, (clavicule, 1ère côte, cage thoracique supérieure et enfin le diaphragme).

Les tests et techniques que nous privilégierons 

Recherche des dysfonctions de la base, des lésions intra osseuses temporales et occipitales principalement, des dysfonctions de la clavicule, de la 1ère côte, du sternum/manubrium, utilisation de la technique des cylindres thoraciques, test et correction du diaphragme.

Irritabilité du MRP décrite par certains cliniciens (W. G. Sutherland) (14, 15, 16).

La difficulté d’harmoniser l'axe cranio sacré s’inscrit dans un contexte de grossesse et/ou d’accouchement difficiles, ainsi que dans celui de la menace d’accouchement prématuré (le stress maternel modifiant l'information des récepteurs aggravant la précarité de balance sympathovagale. Toutes ces circonstances peuvent être responsable de cette « arythmie » cranio-sacrée.

Tests et techniques de correction

L’opérateur posera une main en berceau au niveau de l’occiput et une main sur le sacrum. Il écoutera dans un premier temps comment s’effectue le temps de flexion et le temps de extension et en fonction de la réponse, il corrigera directement jusqu'à la perception d’une synchronisation entre le sacrum et le crâne.

L’immaturité du système nerveux central (6)

La difficulté de hiérarchisation des stimuli induit des inadéquations de réponses du bébé entre les faits réels et les sensations digestives. L’observation et les tests cliniques feront plutôt apparaitre des contraintes au niveau du diaphragme, de la cage thoracique, des cervicales et du crâne plutôt qu'au niveau de l'abdomen.

Les stimuli nociceptifs augmentent l’irritabilité au niveau de l’axe hypothalamo-hypophysaire-adrénergique, ce qui entraîne non seulement une dysfonction du péristaltisme intestinal mais aussi une anxiété et une irritabilité (7).

Cas Clinique

Enfant hospitalisé en néonatologie, de sexe masculin, né à 32 sa, suite a une rupture prématuré de la poche des eaux à 28 sa. Pendant l’hospitalisation maternelle, la mère a bénéficié d’un traitement pour arrêter les contractions, une antibiothérapie et des corticoïdes pour accélérer la maturation pulmonaire.

La parturiente est restée un mois hospitalisée, couchée, très stressée. Elle bénéficiait d’une surveillance quotidienne pour s’assurer que le bébé se portait bien.

Décision de césarienne à la fin de la 32 sa pour modification du rythme cardiaque fœtal.

Naissance sans difficulté, dans un premier temps l’enfant a été gavé (1 semaine avec du lait maternel) et n’a pas eu de complication pulmonaire.

Il est né avec un Apgar à 10 à la première minute et pesait 2100g.

1er séance, traité dans le service sur la demande du pédiatre qui a constaté que cet enfant se tortille après ses tétées et qu’il pleure beaucoup.

L’examen ostéopathique met en évidence une tension importante au niveau de l’axe cranio-sacré, en testant l’occiput, je pose comme hypothèse une platybasie occipitale (lésion intra osseuse occipitale) tout a fait justifiée compte tenu des contractions avec la naissance.

Le premier traitement se réduira seulement à restituer un bon MRP et une liberté des TDP, il est prudent chez le tout petit bébé de ne pas vouloir en faire trop compte tenu de sa grande immaturité.

Une semaine plus tard, le pédiatre m’informe que ce bébé ne pleure presque plus qu’il est plus calme mais qu’il reste gêné par des météorisme importants.

2e séance, vérification du travail effectué la 1ère fois, mais cette fois-ci avec un bébé plus calme, je peux chercher les autres raisons de cette dysfonction colique, je travaille donc sur le rapport voute membraneuse et base cartilagineuse, un travail sur le médiastin et le diaphragme, le semaine suivante le bébé tétait au sein de se maman et était sur le point de quitter le service de néonatologie.

Discussion : Bien évidement toutes les coliques ne peuvent pas se réduire à ce schéma de traitement, l’enfant est unique et nous devons observer et poser une hypothèse de travail en suivant le raisonnement et la philosophie ostéopathique.

L’ostéopathie n’a pas été certainement le seul facteur de son amélioration mais il y a contribué et a permis à cet enfant de s’alimenter, dormir et de grossir certainement plus rapidement.

Conclusion

Il est important de prendre le temps de mener une anamnèse poussée, d’observer le nourrisson, d’effectuer des tests car la diversité des étiologies conduit vers des traitements différents. Il peut s’agir d’une pathologie relevant d’une urgence de chirurgie pédiatrique, d’une simple information afin de mener un allaitement en toute sérénité, comme d’un travail méthodique et analytique ostéopathique.
Il n’existe pas de protocole avec des techniques uniques pour toutes les coliques mais bien d’un traitement global et unique à chaque histoire de bébé.

Références bibliographiques dans le texte

  1. A. T. Still : La philosophie et les principes mécaniques de l’ostéopathie, Paris, Frison-Roche 2001
  2. Y. Aujard, A. Bourrillon, J. Gaudelus : Pédiatrie, Paris ,ELLIPSES/ AURELF 1998
  3. R. Perelman : Pédiatrie pratique, Paris, Maloine 1985
  4. Kristin Bergman, Pampa Sarkar, Vivette Glover, and Thomas G O'Connor : Maternal Prenatal Cortisol and Infant Cognitive Development: Moderation by Infant-Mother Attachment, in Bio Psychiatry, 2010 june 1 ; 67(11) : 1026-1032, published online 2010 february
  5. S. Maccari : Développement des troubles affectifs : l'héritage du stress prénatal, conférence de presse du 25 avril 2001
  6. F. Gold, I. Demontgolfier, J. Baudon : Hypertonie/hyperréactivité vagale du nourrisson : vraie entité ou faux problèmes, in Journée de techniques avancées en gynécologie et obstétrique PMA, périnatologie et pédiatrie, 1999 HYPERLINK "http://www.lesjta.com/author.php?pe_id=561"HYPERLINK "http://www.lesjta.com/author.php?pe_id=554"
  7. H. C. Lou, D. Hansen, M. Nordentoft, et al : Prenatal stressors of human life affect fetal brain development, in Developmental Medicine and Child Neurology, 36, 826 -832. Medline (1994)
  8. J.-M. Meunier, A. Shvaloff : Neurotransmetteur, Paris, Masson, 1995
  9. R.M. De Ribet : Anatomie schématique de l’appareil nerveux, Paris, Doin, 1955
  10. A. Bullinger : Le développement sensori-moteur de l’enfant et ses avatars, Eres, 2005
  11. F. Dolto : Tout est langage, Paris, Gallimard, 1995
  12. E. Hebgen : Ostéopathie viscérale, Paris, Maloine, 2005
  13. L. Kuchera, A. Kuchera : Osteopathic considerations in systemic dysfunction, Greyden press, 1994
  14. Beryl E. Arbuckle : Ostéopathie crânienne pour le nouveau-né et l’enfant, Sully, 2005
  15. J. E. Carreiro : A osteopathic Approach to children, Elsevier Health Sciences, 2003
  16. H. I. Magoun : Practical osteopathic procedures, Kirksville, Mo, Journal Printing Co, 1978

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